Magnet River

Danube, le galop volant et la caméra du temps

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” En automne 1991, la deuxième partie du festivals de film expérimental hongrois, prévus au Musée de Jeux de Paume à Paris, se déroulait à Montreuil-sous-bois, 16 rue du Ruiseau. A cette occasion ont été projetés les court-métrages de Gabor Csaczari réalisés avec la camera à fente.

En hivers 1992, nous étions à Budapest pour faire une installation à la Folyamat Gallery, crée par Gabor Csaczari en 1991. En faite d’une galerie, il s’agissait d’une construction en fonte munit d’un hublot, avec un appareil de mesure du niveau de Danube. Par l’intermédiaire d’un système de transmission partant du fleuve, et relié au bras mécanique munit d’un crayon, le diagramme de changement du niveau des eaux été tracé durant un mois en ligne continue sur le papier millimétré fixé sur un tambour tournant. Nous avons imprimé sur ce papier une photographie à l’aide d’une émulsion photosensible, que nous avons placé dans l’appareil, laissant Danube, durant un mois, dessiner ses humeurs changeants.

A cette époque Gabor Csaszari travaillait avec Ursula Panhans-Bühler sur le projet de reproduction cinématographique de la Tapisserie de Bayeux. Dans sa thèse sur la Tapisserie de Bayeux, Ursula Panhans Bühler avait développée une hypothèse de lecture de la représentation du mouvement des chevaux et d’autres éléments dans la tapisserie, en relation avec le concept de la quatrième dimension dans l’oeuvre de Marcel Duchamp.”

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Ursula Panhans-Bühler

La tapisserie de Bayeux et la caméra du temps

“La tapisserie de Bayeux” est une longue bande illustrée de 70 mètres de longueur et de 50 centimètres de hauteur, décrivant d’une manière continue les événements, qui aboutissent à la conquête normande de l’Angleterre, avec à la clé la bataille de Hastings en l’an 1066. Fabriqué a la suite de ces événements, la tapisserie donne une chronique illustrée, documentaire, au même titre que les sources littéraires du temps. Soit elle a été tissée par des artistes normands, s’il s’agit de la Normandie, soit réalisée par des artistes anglais sur une commande d’un membre de la cour normande en Angleterre. La date d’exécution est impossible a préciser seulement par des éléments stylistiques. Les historiens avancent aujourd’hui une possibilité selon laquelle la tapisserie aurait été commandée par Odon de Bayeux, demi-frère de Guillaume le Conquérant, qui la fit présenter en l’an 1077 au publique, à l’occasion de la consécration de la nouvelle cathédrale de Bayeux, qu’il avait fait bâtir.

D’un point de vue technique de “La Tapisserie” il s’agit plus précisément d’une broderie. Sur sept bandes de toile, cousues ensemble avant d’être broder, par des coutures à peine visibles, les événements ont été ébauchés avec l’aiguille et les fils de lin teintés; ensuite était obtenu le volume coloré - comparable à des procédés utilisés en dessin, les hachures ont été faites par des fils de laine parallèles, couvrant la surface, sur lesquelles on posait ensuite des fils traversants à une certaine distance, qui étaient ponctuellement fixés entre eux et au support du lin. Il s’agit d’une technique extrêmement économe, qui permettait un travail relativement rapide. D’ailleurs même avec des analyses techniques modernes on n’a trouvé aucun vestige des tracés préparatoires comme par exemple des noirs organiques. La tapisserie a du donc être faite avec une grande sûreté artistique pour la disposition des scènes et les relations dans la composition, dans une sorte de technique “alla prima”. Donc même au point de vue technique il s’agit d’un ouvrage extraordinaire et seulement dans les fragments des tapisseries réalisé en Scandinavie plus tardivement, on a trouvé des méthodes comparables.

L’état de conservation de la tapisserie, vu son âge de plus de 900 ans, est exceptionnel. Elle a subi très peu de restaurations. Une partie de la fin de la tapisserie n’est pas conservée, et il est incertain s’il manque seulement une bande de bordure, ou bien s’il y avait encore une séquence scénique, par exemple l’intronisation du Guillaume le Conquérant de Normandie sur le trône d’Angleterre. Les couleurs de la broderie sont très bien conservées; les restaurations ici et là font très peu de tort à l’impression. La surface des fils de laine étroitement tendus donne un reflet soyeux. Aujourd’hui la tapisserie est conservée dans son propre musée à Bayeux, le musée “Tapisserie de Bayeux”, Centre Guillaume le Conquérant, dans l’ancien Palais de l’Archevêque de Bayeux*. Dans le temps, elle était présentée jours des fêtes des saints dans la Cathédrale de Bayeux.

En tant qu’épopée par images, et donc comme une œuvre d’art séculaire, la Tapisserie de Bayeux est un document absolument singulier. Très peu d’œuvres d’art laïque du Moyen-Age ont survécues aux guerres féodales, qui aboutissaient la plupart du temps à la destruction des propriétés. La Tapisserie de Bayeux a été sauvée tout au long de l’histoire, vu qu’elle était conservé, au moins dès le 15ième siècle, comme une propriété d’église, à la Cathédrale de Bayeux. Pendant les guerres de Napoléon elle était menacée d’être couper pour servir de bâches aux voitures. Finalement, sauvée à nouveau, elle a ensuite été gardée quelques années à Paris, ou a été réalisée sa première présentation cinématographique - fixée par deux bords à des battons, elle était déroulée avec manivelles devant des spectateurs comme une bande de “film en continu».

Au fil du récit

“On est peut être idiots, mais pas au point de voyager pour le plaisir”
– Samuel Beckett

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Les événements déployés sur la tapisserie s’étendent à partir de l’envoi de Harold, par le roi Chenu anglais Edward the Confesseur, à Guillaume de la Normandie, qui selon le fil du récit de la tapisserie, était désigné comme son successeur sur le trône anglais par le roi Edward, jusqu’à la bataille de Hastings, ou fut décidé la succession du trône entre Guillaume de Normandie et Harold de Wessex, qui a était - toujours selon le fil du récit de la tapisserie - après la mort d’Edward le Confessor, usurpateur de la couronne anglaise. Sur les 70 mètres de la bande narrative, sont racontées en images: le passage de détroit par de Harold de Wessex, son arrêt et emprisonnement par le conte Guy de Ponthieu, sa libération par Guillaume de Normandie, les aventures chevaleresques de Harold comme partisan de Guillaume, son adoption comme vassal de Guillaume, qui lui donne les armes, son retour en Angleterre chez Edward le Confessor; les derniers mots du roi, sa mort et son ensevelissement dans la nouvelle cathédrale de Westminster près de Londres, l’offre de la couronne anglaise à Harold par la noblesse anglaise, l’acceptation de la couronne, malgré son état de vassal envers Guillaume et alors, malgré les lois féodales, le présage dangereux - la comète passant près de la terre pendant les nuits du printemps de 1066 est interprétée comme un signe de la fin proche de Harold en tant que roi et comme un signe d’une invasion normande par navires - Guillaume est averti de l’usurpation de la dignité royale par Harold, il donne l’ordre de construire une flotte navale, tous les travaux de constructions; qui s’étirent en longueur, en images et certainement en longueur en réalité; la préparation des armes et des moyens de support pour l’armée de l’invasion; le “long” passage du détroit avec beaucoup de navires; de chevaux et de guerriers; le débarquement sur les côtes anglaises; la recherche de la nourriture auprès des paysans; la rapine d’animaux; un grand tonneau de vin emporté de la Normandie; le repas réconfortant les guerriers; l’envoi d’une patrouille précédant la bataille par chacun des adversaires; puis la chevauchée vers le champ de bataille et la mise en place de la cavalerie normande - et ensuite, sur une longue bande de plus de 20 mètres - la bataille décisive de Hastings, dans laquelle Harold est vaincu, ses frères tués, son armée détruite; le chemin est libéré pour Guillaume comme roi d’Angleterre; ce qui restait de l’armée de Harold est mise en fuite par les vainqueurs Normands.

Au fil des événements les spectateurs sont attirés par des inscriptions en latin. Quand la tapisserie a été disposée dans une salle de fête d’un château, étant donné que vraisemblablement peu des chevaliers connaissaient le latin, et quand la tapisserie était présentée dans une église, face au peuple analphabète, il a fallu probablement un commentateur pour expliquer au public ébahit les événements - une situation qu’on pourrait comparer au début du cinéma. Des commentaires par images existent d’ailleurs dans les deux bandes étroites en haut et en bas de la tapisserie, commentaires avec fables d’ Esope, puis des propos libres ou lubriques, et mêmes ironiques, qui donnent un contrepoint au scénario de la grande histoire.

La méthode de la narration marque une différence par rapport aux tapisseries intérieures, comme par exemple la fameuse Tapisserie d’Angers de la fin du 14ème siècle, qui organise des événements image par image, donc avec des illustrations en images isolées, avec lesquels d’un coup de paupière le spectateur se communique un mouvement optique pour passer à l’image suivante. Il s’agit dans le cas de la Tapisserie de Bayeux d’une narration continuelle, où il n’y a pas de séparation des scènes par des traits ou bandes verticales, qui isolent “un moment” de l’histoire entre eux. Ainsi par exemple on ne peut même pas compter les événements, chose qu’on a essayé vers la fin du 18 ieme siècle. Les événements s’avancent d’après une méthode tout à fait différente.

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La première méthode consiste en des petits moments scéniques qui se déroulent l’un vers l’autre par un infime chevauchement, une intersection de “mouvement en temps”. Prenons par exemple le premier passage du détroit par Harold. Juste avant que les chevaliers venait d’être assis à table, déjà quelqu’un attire l’attention vers la traversée prévu, le personnage suivant est déjà en train de descendre l’escalier la rame à la main1, le suivant est déjà arrivé au bord de la mer, devancé d’un camarade avec un chien de chasse sous le bras, sans bas à cause de l’eau, le suivant désigne la route au navire avec un faucon sur la main, le suivant donne une poussée avec la rame pour mettre le navire en mouvement, aidé par deux autres plus en avant, puis le mât est dressé, deux rameurs mettent le navire en course, ” l’ancre est levée”2: l’un cherche la pleine mer avec ses yeux, puis le voyage en haute mer et à pleines voiles, dans le navire ‘suivant on amène déjà les voiles, le mousse cherche la côte avec son regard, un autre à la proue du navire est en train de jeter l’ancre, on quitte le bord, le navire est manœuvré dans le sable, l’encre est jeté, et Harold est arrêté par Guy de Ponthieu3.

Devant nos yeux se déroule un enchaînement des événements, développé en courts moments, qui s’enchainent sans intervalles, sans espacements entre les phases des événements. Le déroulement du temps s’interpose tellement dans les formes, que nous ne pouvons pas dire si c’est bien quatre grands navires qui ont participé au passage et 40 personnages environ. C’est seulement l’écoulement du temps et la métamorphose de la situation, qui nous laisse comprendre l’état des événements. L’enchaînement est fait comme s’il s’agissait d’un seul personnage ou de voyage d’un seul personnage dans le temps; ou autrement dit, - le passage du temps est distribué sur différentes personnes, objets, ou formes. D’autre part, faute de la séparation entre les fragments temporels, on ne peut pas prétendre, qu’il s’agirait dans chaque étape de l’espace du même bateau, mais seulement dans un nouveau moment du temps, comme on voit dans une suite d’images/cadres traditionnels ou dans une suite d’images de comics modernes. On peut seulement constater, que les moments du temps, réalisés par des formes, sont obligés d’être intercalé ou un peu superposé. Pour exagérer un peu on pourrait dire que si les formes, qui portent le temps des événements, ne seraient pas enchaînées, alors le temps - avec un espace libre de récit - sera suspendu; le récit ne pourrait pas être continué - le vide engloutirait. Pour dire autrement, jamais le fil du récit ne devrait être rompu, car il sera impossible, ou très difficile de le renouer. 4

A ce principe il existe une série d’exceptions, qui sont significatifs. Des espaces intermédiaires
ne posent pas de problèmes quand il s’agit de l’espace de l’opposition à une scène, comme la rencontre entre Guy de Poflthieu et Guillaume, quand Guy remet son prisonnier Harold. Dans l’espace de cette scène, c’est apparemment l’énergie dramatique, qui fait le pont entre les protagonistes. Peu après, entre le dernier chevalier de l’escorte de Guillaume et les deux arbres entrelacés5 il y a une sorte de rupture d’espace /temps. Mais le chevalier fait un geste décisif, qui n’a rien a voir avec la scène dont il fait partie, mais qui porte l’énergie pour conserver la continuité des événements. A coté de Harold, qui prête serment au-dessus des reliques de Bayeux6, se trouve deux personnages enchaînés par les jambes, qui font partie peut-être de la suite de Harold et qui forment une relation presque magnétique entre le socle du reliquaire et le navire pour la rentrée en Angleterre. Des événements d’une proximité temporelle sont mis en contact précis dans l’espace. En suivant avec les contours du navire, nous faisons le passage à l’Angleterre ou Harold est déjà attendu. Un bras courbé en arrière, une personne, qui met ainsi en scène l’acte de voir, c’est alors l’énergie du regard, qui fait le pont jusqu’au navire du Harold et qui entraine ainsi le temps du retour. On remarquera d’ailleurs, que partout où il y a ce type de ponts dans l’espace, c’est le rythme des formes, qui produit l’énergie qui supporte la continuité de l’espace/temps.

La caméra du Temps

“Madame est en retard. C’est donc qu’elle va venir.”
– Sacha Guitry

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La continuité des événements, qui se déroulent de gauche à droite dans l’espace de la bande de la tapisserie, n’est pas toujours liée à un changement de lieu. Prenons le long déroulement de la bataille, sur presque un tiers de la tapisserie. Dè que les Normands tombent sur les Anglais, on remarquera de l’espace du combat seulement une ligne ondulée du sol7, sauf une foi une colline avec un arbre et à la fin encore un arbre. Sur cette ligne ondulée nous poursuivons le temps du combat, tandis que l’espace qui contient la bataille réelle aura vraisemblablement très peu changé. Nous suivons alors l’espace du temps en suivant la tapisserie, tandis que l’espace réel reste le champ de combat auprès de Hastincjs. Sur le plan des images sur l’écran il ne s’agit pas d’un espace fixe, ou bien d’un temps gelé, ce n’est pas un espace, dans lequel il y a quelque chose, qui s’est passé, mais il s’agit plutôt d’un espace, qui prend naissance en même temps que les événements ou par les formes des événements. Si dans nos rêves c’est l’énergie des désirs, qui tisse le “fil magique”,8 qui fait apparaître les endroits et les personnage désirés ou redoutés, et si dans une histoire narrée, c’est le fil du récit, qui laisse apparaître et disparaître à loisir les personnages et les endroits, on comprend sans peine, que la logique de la narration brodée fonctionne de la même manière, et non comme “un théâtre” ou il y aura d’abord une construction d’une scène, sur laquelle on posera les “dramatis personae”- ainsi que dans la peinture classique, - tandis qu’ici c’est l’écoulement des événements, qui fait apparaître des espaces et les faire disparaitre au moment suivant. On peut alors voyager dans le temps de la Tapisserie de Bayeux - entre parenthèses - cinématographiques, et cependant n’opérant pas avec le ‘trompe l’oeil’ de 24 images /seconde, mais plutôt en analogie avec le temps enregistré avec une caméra à fente, même si ce n’est pas exactement la même chose. En jouant avec la comparaison, on pourrait dire, sur la tapisserie ce sont les événements qui portent une caméra du temps dans leur coeur.

Le temps continuel et principe des entrelacs

“L’avenir est inevitable , mais il peut ne pas avoir lieu. Dieu veille aux intervalles.”
– Jorge Louis Borges

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Une autre différence significatif, les matériaux des faits reportés, formée par les motifs déployés, ne sont pas à déchaîner - ou à déchirer, car par le chevauchement plus ou moins prononcé des formes se réalise le temps continue. Cette cohésion physique ou matérielle semble être une condition de la métamorphose des événements dans le temps. Contrairement aux voyages dans “temps continue” dans l’art de l’Antiquité ou à la fin de cet époque sur les colonnes, des bandes de reliefs illustrés, ou dans les enluminures, sur la Tapisserie de Bayeux des formes ont une propriété en relation avec la tradition des entrelacs. On pourrait se poser la question si ça à voir seulement avec la méthode de la réalisation pratique de la broderie. En tout cas, le résultat a une ressemblance étonnante avec la bande entrelacée. Presque toutes les formes sauf les contre-positions ‘dramatiques’ pour ainsi dire - font leurs apparition en venant “de l’arrière” d’une forme déjà existante (dans le temps), apparaissant ainsi sur la surface de la tapisserie (dans le présent}.

Le passage du fleuve Cuesnon

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Prenons par exemple le passage du fleuve Cuesnon. La succession des chevaux - chacun faisant son apparition en arrivant dans le premier plan, après avoir été caché dans “la possibilité”, derrière son devancier dans le temps. C’est un principe aussi valable pour Guillaume duc de Normandie; même le duc ne peu faire son apparition intégral dans l’avant-plan de sa suite, comme il le ferait dans un autre principe de conception artistique. Prenons le passage de la flotte normande pour gagner l’Angleterre. En tournant une partie des navires, avant le débarquement à Pcvcnsey à 90 degrés, ainsi que les vaisseaux vont dans la même direction que notre regard, la structure des l’entrelacs, composée par des navires, les mats et les voiles, ne peut plus être omise. On peut faire la même expérience avec une partie du combat9 Encore on verra très clairement la structure des l’entrelacs et en même temps une homologie formel étonnante. Les espaces libres entre les formes entrelacées, entre les voiles gonflées d’une part, entre les pieds de chevaux galopants d’autre part, “se tendent en formes ovales plus ou moins étirées”- alors on remarque une relation entre formes et espaces libres, “les négatives des formes”, que l’on connaît de la structure des entrelacs, qui formaient des décors en bois surtout dans les ornements en reliefs dans l’art scandinave10, l’art des ancêtres des Normands - les Vikings. Mais ce qui était là ornement, d’ailleurs magique, dont le procédé de l’entrelacs était une sorte de métaphore de retour périodique des formes dans le temps, c’est ici, pour ainsi dire par un détour à 90 degrés dans l’espace, devient une histoire concrète et transformable en formes, qui fait continuer le temps par une métamorphose des formes. Mais par rapport à ce “détour de 90 degrés” dans l’espace narré de la tapisserie, les artistes ont en même temps développé un nouveau rapport entre un récit concret et un spectateur, accompagnant ce récit. Le ban magique de l’entre-lac est affaibli. Nous pouvons lire les formes soit comme entrelacs, soit aussi comme une disposition de couches dans l’espace, qui annoncerait le relief. Du point de vue du récit, on pourrait dire, qu’à partir d’un ornement à reprendre sans fin dans le temps, s’est développé une histoire en relation précis avec le développement du temps, une histoire singulière, - les événements d’un temps historique.

A propos du changement de direction des événements

“Je fais appel à tous les amants de l’heure exacte.”
– Edgar Allan Poe

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S’il s’agit d’un mode du temps de récit, où il n’y a pas d’espaces isolés l’un de l’autre, et des moments d’un temps arrêté. On pourrait proposer des solutions pour quelques inepties curieuses, qui ont donné des problèmes à l’interprétation, ainsi qu’on a même soupçonné, qu’il s’agirait dans la Tapisserie de Bayeux d’une copie ayant mal reproduit son model, et ayant mélangé le contenue et la structure dans certain cas par un renversement de la direction. Prenons d’abord le cas le plus simple. Après que Guy de Ponthieu a fait de Harold son prisonnier, il le mène vers son château de Belrem. Un spectateur moderne pensera peut-être, qu’il y a un signe précis, isolant les deux scènes l’une de l’autre, marqué par le bel arbre entre les deux groupes, et que le dessinateur à l’aiguille maladroit, aura placé vers Belrem, les chiens qui courent dans la direction du groupe.
Si nous lisons au contraire cet arbre comme une description du paysage et de la route vers Belrem et non comme signe de l’achèvement de la scène, nous pourrons poser la fin du fragment et le commencement de l’autre là, où les deux scènes sont dos à dos, entre les dos du groupe de chevaux et les dos et pattes arrières des chiens10. Il semble que nous avons la un axe symétrique ou axe de miroitement, et que ce changement de direction des protagonistes met ces deux moments en relation - chiens et chevaux un peu entrelacés ici par une superposition des couches. Cette comme un de ‘Physio-logus’ des mouvements. Tandis que normalement les chiens courent en avant d’un groupe en route à Belrem, ici ils retrouvent leurs maîtres, quand ceux-la ont changé de direction.

Un voyage dans le temps négatif

L’écoulement des événements va normalement de gauche à droite dans la tapisserie, comme l’écriture dans la tradition européenne. Le messager, qui s’est sauvé de l’emprisonnement de Harold et qui est allé chez Guillaume, pour lui raconter ce qui s’est passé, a évidemment déclenché un mouvement adverse de Guillaume, ou bien une entreprise de l’adversaire. La direction du récit, comme son temps, se déroulent alors en trois phases de droite à gauche, jusqu’à ce que les “Nuntii Willelmi” sont arrivés chez Guy de Ponthieu. D’un côté on peut interpréter ce changement de direction comme l’écoulement opposé, provoqué par les intentions de l’adversaire, qui s’oppose à Guy de Ponthieu et qui dirige au moment le récit à son gré.

Une autre chose est très significatif: le temps, ainsi que le temps de la narration, est unidimensionnel. En parlant, on continue toujours dans cette dimension, changeant par l’acte de parler le présent dans le passé, et le futur dans le présent. Mais en ce qui concerne le contenu du récit, on peut échanger les temps par la grammaire ou paralleliser par les mots de modalité. Alors en suivant le “temps actuel” du déroulement de la tapisserie en tant qu’un spectateur actuel, le contenu du récit sera construit ainsi: entre-temps des messagers de Guillaume viennent chez Guy. Ils disent, qu’ils sont envoyés par Guillaume, quand il apprennent par l’un des Anglais, que Harold s’est fait prisonnier par Guy. On partage alors d’abord la surprise de l’arrivé des messagers en continuant là tapisserie, et puis le déroulement de l’explication des faits. Mais en même temps dans la direction opposée de toutes les formes, dans le fleuve du récit, on prend la direction de l’énergie opposée. Une seconde étrange série des scènes, perturbe l’interprétation. Le Roi Edward, pour ainsi dire, semble d’être d’abord enseveli, puis d’avoir ses pompe funèbre, et enfin vivant pour faire ses l’adieu.11 Par des moyens de reproduction on peut renverser cette suite de scènes, et on le fait au cour des interprétations de la tapisserie et soudain, la direction semble être correcte. D’autre part on a expliqué l’inversion du temps par la volonté des artistes de juxtaposer les dernières volontés du Roi Edward et l’offre de la couronne royale à Harold. Une solution attrayante, mais il y a en même temps une autre qui ne se lui s’opposerait pas forcement.
On pourrait imaginer que la direction de la mort devrait être opposée au voyage dans le temps des vivants, une proposition qui ne serait pas fausse, étant donné, que dans l’iconographie de l’art il y a souvent cette opposition d’un voyage et d’un retour. Ainsi l’iconographie a respecté, de même que la mort éloigne de la vie, elle constitue pour ainsi dire une voyage du temps négative par excellence, ainsi comme la physique moderne et la science- fiction ont imaginés des voyages dans le passé comme renversement de la direction de la flèche du temps. Il semblerait alors que les artistes de la Tapisserie de Bayeux ne se sont pas trompés dans la direction des événements de la mort du Roi Edward. Ne sera-il pas symptomatique, que même les bandages de forme ovale de la momie du roi dans son majestueux cercueil qui rappellent dans leurs arrangement les boucliers fixés le long des navires pendant la traversée, que ces bandages ne s’entrecoupent pas de gauche à droite, comme dans la narration normale les boucliers, mais dans le sens inversé ?

Miroitement symétrique dans l’espace et la continuité temporelle

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Aussi longtemps qu’il n’y ait pas de conflits, les événements se déroulent dans la calme continuité du temps, l’un sortant de l’autre. La seconde méthode, qui a déjà été nommée consiste dans le principe d’une correspondance symétrique ou d’un miroitement.

Comme dans tous les récits illustrés, dans la Tapisserie de Bayeux des personnages, qui se rencontrent, soit amicalement, soit dans l’hostilité, soit dans une scène érotique, commencent par s’adresser l’un à l’autre, comme par exemple Harold, qui parle avec Guillaume, l’ecclésiastique qui a des intentions avec Aelfgyva, paraphrasé par le nu du bas-de-page, ou bien Conan capitulant devant Guillaume en remettant les clefs de la ville Dinan. A ces mouvement vers quelqu’un correspondent des mouvement de dos tourné, lesquelles dos contre dos font continuer le récit, comme ailleurs la relation au temps est gardé par des “contacts des formes”, et des superpositions des plans. Le nouveau moment d’une phase du récit est introduit par la correspondance symétrique à la phase antérieur - un miroitement accompagné d’une métamorphose scénique. Ils s’agit donc d’un principe d’axe de symétrie, qui peut aussi avoir une correspondance dans les formes. L’histoire se développe alors, pour ainsi dire avec la “tête de Janus”. Selon ce principe on peut suivre la chorégraphie du temps de combat et son développement d’une logique artistique. Chaque nouveau moment scénique est ainsi la métamorphose de la situation d’avant. La bataille de Hastings se développe ainsi, selon la chorégraphie de son directeur artistique, “au fil du temps”. Dans l’apparence perturbante de ce combat dont la relation envers la bataille réelle de Hastings était toujours une question ouverte, il y a alors une situation, laquelle a été interprété par plusieurs observateurs par le faite que les Anglais sont tombés dans une embuscade des Normands - les Anglais seraient alors attaqués de deux côtés par les Normands. Retournons à la scène du début avec les chiens, qui tournaient le dos vers les chevaux de la scène d’avant et nous tenons la clé pour le déroulement du combat.
Le commencement de la bataille proprement dites avec la cavalerie normande, volant à grand galop, signalé par la double rangée, qui laisse sentir le mouvement des animaux, c’ est la première phase d’un assaut qui fait reculer l’infanterie anglaise. 12 La, où les deux blocs de l’armée anglaise se tournent le dos il y a l’axe miroitant d’une transition dans une nouvelle phase: dans la deuxième phase le bloc de l’armée anglaise s’est redressé, la cavalerie normande est arrivée et aussi serrée dans un sorte de bloc….

Quelques clefs de lecture des événements de la bataille de Hastings

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Retournons jusqu’à la sortie des Normands de Hastings. Aussi longtemps que les événements se déroulent seulement sur un côté, celui des Normands, les scènes s’écoulent l’une sortant de l’autre. Dès qu’il vient au aux confrontations, la mis-en-scène des événement se fait par l’axe miroitant. Après le départ de Hastings la cavalerie normande se place dans un bel ensemble. De ce groupe se dégage le prochain moment; les lances baissées on va vers le champ de la bataille. Puis il y a un arrêt. Guillaume demande son chef de patrouille Vital s’il a vu l’armée anglaise; celui-lui indique dans la direction des événements, le moment suivant on voit le fragment de chevaux dos à dos: Vital regarde d’une colline le patrouilleur de l’autre côté, qui lui fait singe de son bouclier pointu vers l’ennemie; les trois arbres ne forment pas une dissociation des scènes, mais plutôt ils désignent la distance par rapport à ce qui est vu, et comme un signe de l’endroit parlent d’un petit sous-bois sur le versant de la colline. Face à des Normands l’espion anglais guète, puis tourne le dos pour la prochaine scène dans laquelle il informe Harold du mouvement des Normands. La séquence scénique crée ici un espace temporelle, où nous pouvons voir ce qui se passe en même temps dans les camps opposées: on s’espionne, on change de direction pour avertir de chaque coté son chef du combat. Il y a un ‘enjambement’ des scènes “dos à dos” par les queues des chevaux et les lances de l’espion à pied, même si ici il n’y a pas, comme tout le long de la tapisserie, d’une identité personnelle comme dans le temps modernes ou antiques. L’explication par les ‘tituli’ semble s’orienter par le choix grammaticale, au temps passant le long de la tapisserie, comme le mouvement du spectateur. Guillaume demande à Vital, s’il a vu l’armée hostile, en nous projetant ainsi dans la séquence suivante, tandis que “site nuntiat”, dans le mouvement du temps de la tapisserie, utilise le présent. La grammaire du temps est cordonnée avec notre perception du temps tout au long de la tapisserie.

Dos à dos alors Harold et Guillaume, mais un arbre qui signale encore la distance, un changement d’endroit, et puis Guillaume, qui fait ‘adlocutid’ classique pour ses soldats. La cavalerie normande, d’abord se mettant en trot, puis en haut galop, les archers, le ‘galop en deux étages’ - des séquences en “enjambement” du temps. Cet alors que commence la structure décrite plus haut. L’attaque des Normands - la phalange anglais reculant. Puis par l’axe de symétrie le prochain moment, les Anglais redressés, la cavalerie normande bien serrée ensemble. Encore dos à dos dans le prochain moment, les Normands plus étirés, la phalange anglaise déjà dissipée et la chute do Lewine et Gyrd, les frères dé Harold. Le principe du miroitement est maintenant seulement perceptible par un petit détail, deux profils en direction opposée, qui font le passage d’un moment à l’autre. L’axe symétrique est bien visible dans la reprise de trois chevaux normands, comme dans la scène d’avant. Celles-ci ne forment maintenant plus un groupe, mais ont envahi la ligne de l’ennemi. Comme chez des entrelacs les lignes des adversaires sont tissées ensemble ou enchaînées. Et après de telles entrelacs bien sûr devrait suivre le débâcle dramatique pour tous les deux adversaires: ‘simul’ en même temps tombent ici les Normands et les Anglais dans le combat, les Normands encore avec trois chevaux, maintenant en pleine chute, et chez le premier cheval tombant, on remarquera encore - par allusion - la correspondance par l’axe symétrique, les dos à dos de chevaux. Le chevalier sur l’animal tombant la tête en avant, et celui qui attaque tournent alors le dos à l’autre; il s’ensuit maintenant l’attaque sur les Anglais, qui ont pris position sur une colline et qui tombent la tête en bas.13
Le prochain moment commence déjà sur cette colline, l’un des Anglais tournant le dos au groupe d’avant et blessé par un chevalier normand avec sa lance. En bas de la colline la même transition d’un à moment à l’autre. Ici aussi ce n’est pas une attaque de deux côtés, mais le déroulement dans le temps. On peut comparer d’ailleurs la situation de la bataille contre la ville de Dinan14 - à gauche cette bataille est en pleine développement - à droite déjà le prochain moment, Conan remettant les clefs de la ville.15Ici le nouveau moment, même si presque projeté dans l’espace, avec une position dos à dos de la prochaine séquence : l’évêque Odon, qui encourage les jeunes guerriers, est opposé avec sa massue au combattants avec la lance baissée. Entrelacé avec cette scène commence la prochaine, dos à dos, le mouvement contre la fuite, c’est Guillaume qui fait son apparition,16 vraie Epiphanie du chef de l’armée qu’on pensait mort. Rassurés les Normands reprennent le combat. Alors c’est le tour final de la bataille, qui va commencer.

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Toujours dans même direction une nouvelle attaque sur les Anglais, dont un tombe à terre, trois chevaliers normands opposés aux trois soldats anglais, - dos à dos le prochain moment, un chevalier normand entrelacé par la croupe du cheval, les pieds à terre, luttant avec l’épée sur l’épaule de son adversaire anglais! Nouveau axe de symétrie, dos de cheval avec le dos du guerrier commence la prochaine étape, un soldat normand, maintenant à pied, attrapant un Anglais par les cheveux, est en train de lui couper la tête, chose arrivé au bord du bas, entrelacé au dos de guerrier et au dos de cheval, la prochaine séquence, qui va finir avec la mort de Harold, “Hic Haroldus Rcx interfectus est”. Une scène déployée en deux phases; dans la première, c’est le garde du corps de Harold, qui est abattue, et Harold est blessé d’une flèche dans l’œil17, dans la seconde phase c’est la mort de Harold, abattu par l’épée du chevalier normand, Harold laisse tomber l’insigne de son état de Roi - la hache18. La disposition de l’écriture relie les deux phases dans un développement temporel et souligne par le mimétisme la chute du roi anglais. Encore un mouvement dos à dos, et une sorte de pont, formé par un losange ouvert d’haches d’épées, le prochain moment, trois soldats anglais, se battent en vain contre des chevaliers normands, les trois anglais étant frappés, puis tombants par terre à trois, comme dans une séquence temporelle. Un nouveau renversement des Normands, dos contre dos, la dernière scène conservée sur la tapisserie, le reste des troupes anglaises battu en fuite. L’arbre alors ne signale pas une rupture de scène, mais une certaine distance dans l’espace entre les Anglais qui fuient et les Normands les poursuivants, tandis que la relation entre cette dernière scène et celle d’avant, se fait par un entrelacs des jambes de chevaux. Donc une chorégraphie très précise du combat ou chaque nouveau moment, dès que les Normands et les Anglais sont montré en opposition, commence avec un retournement autour d’un axe de symétrie, tandis que les événements se déroulent sur un côté et sans contradiction, les scènes se développent l’une prenant son origine dans l’autre.

Le voyage dans la quatrième dimension

“On ne dégèlerait pas le monde en multipliant des vues.”
– Philipp K. Dick

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Le voyage avec le temps continu de la tapisserie, avec ses particularités de la progression temporelle, convient particulièrement bien à un traitement cinématographique, qui utilise à son tour la continuité du temps ou bien une relation entre les formes que le temps fait faire a l’espace. La méthode d’enregistrement du temps avec une caméra à fente, est étrangement complémentaire avec le charme extraordinaire d’un voyage “avec le temps” du onzième siècle, tel qu’il a été réalisée sur la Tapisserie de Bayeux. Et le prolongement d’une ancienne problématique, de la relation espace/temps, obtient dans une investigation artistique avec la technique de la caméra à fente, une autre actualité. C’est à la fois une comparaison et une confrontation des différentes méthodes d’enregistrement du temps.

La caméra à fente offre la possibilité de participer à une réalité de la quatrième dimension, qu’elle enregistre sur la bande du film, se déplaçant en continue et sans coupures de l’obturateur. En relation avec la Tapisserie de Bayeux, on se rend bien compte, que pour ce qui concerne la réalité quatre-dimensionnelle, il ne s’agit pas d’un problème de physique trop compliqué à comprendre, mais d’une réalité qui fait partie de notre perception vivante du monde visible. Nous voulons donner une explication par le fonctionnement de la camera à fente. La technologie de la camera à fente donne la pure possibilité de l’enregistrement du temps. La vitesse du mouvement avec la caméra ou la vitesse avec laquelle le film se déroule dans l’appareil, est indifférente face au phénomène du temps. En définissant une relation entre le mouvement de la caméra face à la Tapisserie et la vitesse de rotation de la bobine du film derrière la fente, on établit un rapport en relation avec les formes des images sur la tapisserie et alors il devient possible de transporter les événements sur la bande du film par le mouvement analogique de la machine. La vitesse du déroulement du film dépendra alors du mouvement de la caméra à fente le long de la tapisserie. En outre de la vitesse du mouvement, l’enregistrement doit tenir compte de l’éclairage. Si on modifie ces paramètres, on obtiendrait des images étirées ou comprimées.

Par exemple: prenons une caméra à fente en position fixe. Si un objet passe devant et puis revient pour passer une seconde fois dans le sens inverse, il se présentera alors sur la bande de film comme dans une opposition symétrique. Si nous passons avec la caméra de fente le long du combat de la Tapisserie de Bayeux ainsi, que nous reprendrions le gouvernail en arrière après la première séquence du combat, nous aurions comme position du point de vue de l’espace, la deuxième scène sans la métamorphose, que l’on voit sur le développent dans la tapisserie. Alors on peut par des moyens cinématographiques ou bien les possibilités de la caméra à fente, en les contrastant avec les moyens stylistiques de la tapisserie, donner une expérience du changement espace-temps dans la tapisserie. Si on projette le film à fente avec un angle de vue variable, dans ce cas ici, avec un petit angle, on peut faire l’expérience du renversement dans l’espace d’une nouvelle séquence du temps, ou le changement de situation métamorphose des formes dans le temps. Le film à fente ne produit pas une simulation de mouvement. Il ne s’agit pas d’une illusion du mouvement, qui réanime le passé. Il montre plutôt le fait du mouvement solidaire de notre propre expérience temps/espace. On pourrait dire avec d’autres mots, que même si nous regardons par exemple une course de cheval, enregistrée avec la méthode classique de 24 images par seconde, dans un film classique, notre réception corrigera la vue à la manière de la méthode d’un film à fente, en produisant une expérience du mouvement, qui correspondra au temps réel et qui redonnera au plein galop sa place d’honneur.

Dans la flèche du temps

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Si on fixe la caméra et c’est seulement le film qui tourne, et des objets passent devant la fente de la camera, on choisit alors une relation qui s’oriente par rapport à notre expérience des objets. Sur la pellicule on verra ensuite que si les objets étaient plus rapides que dans le calcul de proportion, alors ils seront comprimé et s’ils étaient plus lent, alors ils serons étirés. Dans le calcul de la relation à la vitesse du mouvement de la caméra et de la vitesse de la bande du film, on reprend alors notre expérience d’une synthèse spontanée, par laquelle les images qui passent s’intègrent dans notre mémoire. On peut comparer cette forme de synthèse spontanée avec la musique, qui s’écoule dans le temps, pendant que notre mémoire fait des synthèses continuels, dans les formes de configuration et développements de motifs, thèmes, phrases etc. Cette synthèse en oeuvre, pour ainsi dire, est un phénomène de la création des espaces figurés dans la musique, mais des espaces dans lesquelles l’élément du temps n’est pas éliminé.

Les images du temps enregistrés par la caméra à fente sont comparables avec les procédés dans l’art, et non seulement dans des frises peintes, mais aussi dans certaines peintures19, qui traduisent “un mouvement des formes”, qui correspond au mouvement d’expérience dans le temps. Autrement dit, s’il n’y a plus ce mouvement du temps de l’expérience, le résultat devient une sorte de “nature morte”, mais différent du sens iconographique. Pour ce qui concerne la camera à fente, elle procède comme technique d’une analogie avec des mécanismes qui ont joués depuis toujours dans l’art un rôle important. Car si on élimine le temps, le monde s’arrête.

La camera à fente et le mystère du Galop Volant

“Pourquoi le cheval photographié à l’instant ou il ne touche pas le sol, en plein mouvement donc, ses jambes presque repliées sous lui, a-t-il l’air de sauter sur place? Et pourquoi par contre les Chevaux de Géricault courent-ils sur la toile, dans une posture qu’aucun cheval au galop n’a jamais prise? C’est que les chevaux de Derby d’Epsom me donnent à voir la prise du corps et du monde que je connais bien, ces prises sur l’espace sont aussi des prises sur la durée. Rodin a ici un mot profond: ‘C’est l’artiste qui est véridique et c’est la photo qui est menteuse, car, dans la réalité, le temps ne s’arrête pas.”
– Maurice Merleau-Ponty.

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La représentation des chevaux dans la Tapisserie de Bayeux n’a rien à voir avec une photo qui prend un temps isolé. Quand on est accoutumé à cette représentation, si on la compare à la photographie du temps, on sera bien stupéfait des analogies entre le procédé de la tapisserie et de la camera à fente. Quand on observe un cheval au galop 20, on a besoin d’un certain temps, ainsi qu’avec une caméra à fente ça va durer jusqu’à ce que le cheval au galop est reproduit de la tête à queue. Sur la tapisserie on peut bien voir qu’il ne s’agit pas d’études d’après nature, faites d’après des objets sans mouvements, au repos ou dans des poses fixes, que l’on mettra après - comme des mannequins - dans les positions de mouvements21. Au contraire, il s’agit de l’étude et de la reproduction “de la nature-en-mouvement dans le temps22”, et non pas de “natures mortes”. Autrement dit, sur la tapisserie de Bayeux il s’agit d’un enregistrement optique d’objets en mouvements dans le temps, une expérience reproduite sur la bande de la tapisserie. On pourrait préciser encore que sur la Tapisserie de Bayeux l’expérience est une situation comparable à la “photographie du temps”, qui a brisé le code d’un “temps photographique gelé” en faveur d’une “réalité temps-espace quatre-dimensionnelle”.

La comète

comette-presage

Après que Harold de Wesex se laisse couronné comme roi d’Angleterre, après la mort du roi précèdent, Edward the Confessor, il y a un phénomène cosmique dés le janvier 1066: une comète tire un trait dans le ciel nocturne (“STELLA”), un phénomène bien visible dans le mois d’avril et mai de cette année. Cet “étoile” doit avoir une signification extraordinaire: un astronome l’explique à Harold comme un présage qu’il va perdre bientôt son règne: dans le bas-de-page de la tapisserie on voit en traits de contours une armada fantomatique, tandis que la
position du roi - en comparaison avec son comportement dans la scène d’auparavant laisse pensé, qu’il va tomber bientôt de son trône royale..


  1. harold-part1 Le premier passage du détroit par Harold 

  2. encre L’ancre est levée 

  3. harolde-arrete Harold est arrêté 

  4. images_bayeaux326images_bayeaux328 Pinot Galizio coupant au mètre la bande de sa peinture industrielle. 

  5. 2arbres Arbres entrelacés 

  6. images_bayeaux262 Le serment de Harold 

  7. ligne-ondulee La ligne ondulée 

  8. la-ligne

  9. images_bayeaux268 La structure des l’entrelacs 

  10. images_bayeaux265 Les chiens 

  11. images_bayeaux257 L’internement du Roi Edward 

  12. 2-fois-groupes-anglais Premier assaut 

  13. images_bayeaux277 Les soldats tombent en bas de la colline 

  14. ataque-de-dinan Bataille de Dinan 

  15. clees-dinan251 Remise des clées 

  16. guilaumereaparair L’apparition de Guillaume 

  17. images_bayeaux292Harold fait tomber la hache  

  18. images_bayeaux289 Harold avec la flèche dans l’oeil 

  19. images_bayeaux334images_bayeaux296Philippe Guston, Aegean,1978 

  20. 33-gericault-derby-800x600Théodore Géricault, Course de chevaux, dite le Derby de 1821 à Epsom 

  21. bayeaux224 Mouvement gélé par obturateur 

  22. horse3 Prise de vue des chevaux avec la camera a fente